VERONIQUE GOEL
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  POBLE NO (2007)
 

video, 30 min, 4/3, couleur et noir/blanc, mono
v.o. français ou espagnol

Images
Roberto Suana
Coordination
Carme Romero
Montage
Véronique Goël
Son et Mixage
Martin Stricker
voix off
Claudine Després (français)
Mayté Garcia-Julliard (Castillan)
Musique
Gertrud Schneider, piano préparé, à partir
d'un concept de Roland Moser
Archives photographiques
Arxiu Històric del Poblenou
Production
Scherzo films, Genève
Centre de producció d'arts visuals Hangar Barcelona


Poble No cartographie la transformation du quartier industriel de Barcelone: le Poblenou est systématiquement démoli et reconstruit, à l’exception de quelques bâtiments classés, en particulier les cheminées d’usine, nouveaux totems industriels. Les plans d’ouverture campent les lieux, suivant un procédé déjà inscrit dans les documentaires sociaux d’un Moholy-Nagy ou d’un Vigo: une représentation graphique du plan Cerda présente l’avancée des travaux et les principaux bâtiments édifiés, tandis que sur la bande-son résonne une composition pour piano préparé ; puis une grille quadrillée, reproduisant les contours du plan Cerda, constitue le fond d’écran où s’inscrit le titre du film. Véronique Goël, comme l’induit la négation du titre de son film (Poblenou, soit peuple nouveau en catalan, étant altéré en Poble No), s’oppose à cette entreprise urbanistique.(…)
Et ce sont justement ces «transformations physiques» du tissu urbain que retrace Véronique Goël : alternant les travellings latéraux pris depuis une voiture, Poble No sillonne les rues du quartier, découvre des immeubles en décombre, des terrains en friche et d’incessants chantiers, ponctués de-ci de-là par des cheminées d’usine et des bâtiments neufs, oblitérant les vestiges du quartier ouvrier. Parallèlement à cet arpentement d’un espace béant et éventré, la bande-son délivre, par bribes, une série de données factuelles, portant aussi bien sur la fluctuation de la population et des entreprises en activité dans le quartier que sur la réalité économique des travaux entrepris. Le propos se recentre sur les mécanismes de la spéculation immobilière, face à l’ouverture de ce gigantesque marché qui conduit à la délocalisation de la population. La musique (une composition originale pour piano préparé) souligne, par ses sonorités industrielles, la disparition du passé ouvrier de Barcelone, pourtant constitutif de son histoire. Aussi Véronique Goël ne manque-t-elle pas de recourir à des archives photographiques, à des traces renvoyant à une histoire désormais inaccessible, opérant par là un travail de mémoire, si ce n’est de réparation du passé. Ce recours à des documents photographiques, impliquant un figement du plan et une limitation des mouvements de la caméra, inverse le balayage constant du champ qui constitue le principe constructif du film – et réinscrit en continu les propos jusqu’ici égrenés lors des différents plans séquences. Et de fait, après une douzaine de travellings latéraux droite/gauche, la caméra inverse sa trajectoire, découvre un hôtel cinq étoiles, rappelant vaguement les formes d’une construction industrielle, avant de s’immobiliser ; deux plans brefs et fixes suivent, précédant l’exposition d’une dizaine de photographies, la plupart en noir et blanc. Une construction cylindrique, détruite à l’époque des Jeux Olympiques, est présente à deux reprises dans les archives photographiques. Selon le même principe de raccord formel, c’est une photo en couleur, représentant la place du Forum, avec notamment l’édifice de Herzog et de Meuron et la tour Agbar au loin, qui introduit aux derniers travellings: par l’entremise d’un raccord dans l’axe, le film réintègre le régime de l’image en mouvement, en recadrant l’hôtel Princess (une construction d’Oscar Tusquets) au sein de la place du Forum. Les mouvements latéraux de la caméra qui font suite à ce bref plan fixe relancent la trajectoire implacable du film, exhibant dans un mouvement étale les décombres de la ville industrielle, entrecoupée de terrains vagues et masquée par des rangées de panneaux publicitaires. En ce sens, Poble No constitue un radical contrechamp aux monuments signés Nouvel, Herzog et de Meuron, etc.
François Bovier(Extrait de: Barcelone vue par...)